jeudi 28 avril 2011

RENTABILITE FATIGUE.009

« Faire rendre aux morts pour les vivants »

Longtemps resté bloqué au chapitre « L’usure affective à rentabiliser toutes les relations » (cf. page 57) où dans un renversement dialectique de l’Internationale c’est la classe dominante qui « a « tout » mais n’est « rien » » (cf. page 57). Bloqué par nostalgie, par « besoin de consolation » : et je me chantais à moi-même cette partie de l’Internationale qui me trottait alors dans la tête :

« Nous ne sommes rien, soyons tout »

Je me demande ce que Pascal ENARD penserait de ce « besoin de consolation impossible à assouvir » scandé par Stieg DAGERMAN et remis au goût du jour par les Têtes Raides dans une chanson fleuve ? Pour ma part je le résolvais par ce poème :

« Imbibé d’obsolescence
Je cherchais à me renouveler :
Eviter les impasses passées,
Dépasser les obstacles …
Franchir tout ce qui me rebutait.

J’en étais là, au gué d’une vie
Qu’une méfiance féline et atavique
M’empêchait de passer …

La nostalgie, aussi :
De ce que je fus,
Du plaisir que j’en retirais.

Fût ce par une destruction méticuleuse de mes autres :
- les regards portés
- la raison sage et sournoise

.
.
.

Ma stratégie alors ? Se couper de ces autres
Pour être plus présent en tout :
Une intensification de l’être,
De la douleur aussi.

La gageure était mort-née
Malgré son apparente simplicité.


Alors j’en étais las de mes recherches
Et je souhaitais un peu me reposer.

Rythmes éreintants
Alternance de pulsions et de relâchement
Et cette fois ci la douleur sourde de l’impuissance
Consentie.

Un peu de chair, Nom de Dieu !
De consistance appliquée.

S’organiser ?
Alors que je ne faisais que jeter des dés,
Incapable de me projeter plus loin que le bout de mon nez.
Cela eut mérité une stratégie élaborée
Et je n’en avais pas la moindre idée.

Et comment fait-on pour mutualiser et cumuler les luttes ?
Lutte des classes, mode d’emploi,
Doxa au rabais
Pour petit-révolutionnaire embourgeoisé :
Ready-made, prêt-à-porter.

En voilà une vérité :
Il convient d’inventer des formes originales de luttes adaptées,
Démocratiser les choix des moyens à se donner.

Une lutte des classes appliquée à la lutte des classes ?
Si l’emporte-pièce n’emporte pas tout sur son passage ;

Deuxième vérité :
Il convient de moduler les actions révolutionnaires par un réglage fin adapté aux circonstances

Alors troisième vérité :
Franc-tireur ou Partisan ?
Ne choisit pas camarade,
L’action individuelle a sa place dans la lutte collective (la réciproque est triviale). »

Car Pascal ENARD semble avoir dépassé ce besoin de consolation existentialiste. Et ne vous méprenez pas sur le titre de cette partie « Faire rendre aux morts pour les vivants » (cf. page 55) : il ne s’agit pas comme le critiquait Kundera dans un de ses romans de « laisser la place des vieux morts pour les jeunes morts » ; usurpation d’oubli, visant à « rentabiliser » l’espace mémoriel.

Tout s’éclaire déjà au deuxième chapitre « De l’étalon unique à la polyéthique des échanges » (cf. page 58). Nous pouvons comprendre l’injonction aux morts de deux manières :

- les morts ce sont « Les Grands Hommes Morts » (cf. page 59) tels Van GOGH, MOZART qui « n’incitent plus à la paresse » pour nous les vivants, mais qui pourraient dégager (malgré eux) l’ère du génie de chacun […] » (cf. page 60)
- les morts ce sont aussi la classe dominante qui accumule, qui thésaurise : une classe morte, un poids mort pour l’humanité que JM KEYNES voulait « euthanasier » et Pascal ENARD d’opposer « l’offreur déclinant » à « l’audace prolétarienne » (cf. page 60).

Voilà pour l’instant : je me permets de rappeler que le 4 mai Pascal ENARD sera interrogé par le philosophe Fabrice LAFORGE à 18h00 à La Machine à Lire – Bordeaux.

samedi 23 avril 2011

RENTABILITE FATIGUE.008

Rappel : le 4 mai 2011 à 18h30 à la Machine à Lire de Bordeaux - Présentation de "Rentabilité Fatigue" avec l'auteur Pascal ENARD qui sera interrogé par Fabrice LAFORGE (philosophe).





En guise d'introduction voici ce qu'en écrit Pascal ENARD :

Le 4 mai présentation par l'auteur, Pascal Enard, à la librairie « La Machine à lire » de rentabilité fatigue, Association Démocraties Nouvelles ISBN 978-2-902787-09-8 http://www.democraties-nouvelles.org/

Tout d'abord comment s'est dépensé l'endettement polythéiste ? Les dieux exigeaient un fort tribut sur l'ensemble des activités humaines. Les esclaves étaient les plus exposés à cette dette. C'est le passage au monothéisme qui a «soulagé» cet endettement au profit d'une nouvelle classe dominante : la féodale. Comment est-on passés de l'Un-seul féodal (monothéiste) à l'Un-seul libéral (monohumaniste), et comment passer de l'universel (l'argent capitaliste et sa relation d'endettement scientiste) au polyversel du polyhumanisme ?

L'homme a longtemps plagié la nature. Je pense à Léonard de Vinci copiant les ailes des oiseaux pour proposer le prototype dessiné d'une machine volante. Puis il a copié le geste de travail humain, pour en faire les machines. Des machines, il a informatisé les algorithmes, et, sur tous ces gains de productivité, il a inventé des produits financiers, censés leur correspondre, mais dont la répartition des bénéfices n'est jamais retournée en proportions décentes aux travailleurs primordiaux sur lesquels tous ces gains reposaient.
(confert notre Supplantations de jouissances, juillet 2003 , ADN ).

Les classes dominantes ont confisqué une part exagérée de la plus-value collective. C'est la part de rétribution de la communion sociale qui a ainsi été gelée dans le luxe des nantis, mais ce luxe ne correspond pas, bien souvent, à une production écologique (grosses automobiles, avions, yachts, palais dévorateurs de minerais, d'énergies fossiles limitées,...).

Marx a tracé la stratégie pour sortir de l'endettement à la jouissance de la bourgeoisie, mais la jouissance petite-bourgeoise compte bien capter «l'héritage» en aggravant la sous-jouissance petite-prolétarienne.

À l'Association Démocraties Nouvelles, nous avons été amenés à nommer petit-prolétaire l'héritier bafoué, le petit de bourgeois déclassé, à engagement révolutionnaire principalement théorique ; il est savamment opposé, par le miroir déformant de la domination, au petit de prolétaire, à soutenabilité d'emploi principalement pratique. Si le premier a la connaissance des lois du système qu'il «devait diriger», il n'en a pas «le coffre». Si le second a la pugnacité physique, il n'a pas les plans de reconstruction. Les deux sont donc condamnés à former compromis de leurs forces et faiblesses respectives pour mettre un terme au capitalisme dans sa phase suicidaire. Le comprendront-ils à temps ?

L'abus de confiance pervers est la forme de transaction dominante imposée par la petite bourgeoisie. Cela se vérifie, par exemple, dans le masquage de la baisse inéluctable du plein emploi utilitaire par l'emploi spectaculaire de satisfaction de l'angoisse addictive, consumériste :''emplois'' de gestion fictive dans l'immobilier, syndics surévaluant l'entretien des immeubles, conseils en démêlage de complexités
bureaucratiques injustifiées, contrôles draconiens pour accélérer l'obsolescence des marchandises, consultants de ''formations professionnelles'', ''gourous'' des dynamiques de groupes etc.

D'être effet d'une chaîne de signifiants n'interdit pas au sujet de se les figurer et de surjouer ou sous-jouer les rôles qui intiment les signifiants à rapporter ces rôles aux scènes que le théâtre social perspectivise. La scène figurative offre alors une sortie salutaire de la proposition syllogistique du marché libéral pervertisseur de la mutualité intersubjective.
(confert notre Figurant polyversel, décembre 2005 , ADN)

Ce que le capitalisme a la plus grande nécessité de masquer par le fétiche, dès lors, c'est son manque d'avenir, que ce soit sur le plan de la surabondance de vivants à nourrir, que ce soit dans le non-renouvellement des ressources nécessaires à leur entretien.

Rentabilité fatigue est l'occasion de scinder la «fonction de dépense» (théorisée par Georges Bataille) en valeur d'inusage (le déchet) et valeur d'inéchange, le lien communiel (de la déchirure de soi à celle de l'autre).

La contradiction principale de l'usage (utilité, ou composition interne) à l'échange (rareté, ou disposition externe) va trouver sa décomposition factorielle en : éléments épuisés, où se conjuguent limite de l'utilité et limite de la rareté, le durable s'en trouvant réapprécié, – et en jouissance sociale extatique, avec sa paradoxale conjonction de l'inéchange et de l'utilité de dépense.

La croissance de la valeur redistribuable n'est pas forcément liée à des éléments épuisables sous leur forme rentable : outre la question du pétrole, les rendements des minerais de fer, de bauxite, de lithium, d'uranium, etc. sont liés à l'épuisement de leurs quantités disponibles sur notre planète.

Or valoriser des sources non épuisables, comme les fruits de la sensibilité esthétique, de la réflexion philosophique, de l'expérimentation technique, de l'affinement du goût, etc., (en rétribuant décemment les intervenants), c'est accroître le produit intérieur brut des nations, sans danger d'épuisement de la ressource.

Cela réclame, en toute urgence, l'humilité de la part des universitaires narquois, des agents de notations et journalistes (mieux rétribués que les élus politiques de terrains), des aiguilleurs culturels, des courtisansdécideurs du bien public, vis à vis de ce qu'ils perçoivent en leur magnificence comme la survivance d'une époque révolue, les «bricolages inventifs» de la créatrice ou du créateur esthétique ou technique, volés ou dévitalisés, dans cette concurrence bureaucratique, des brevets de leurs inventions, ou contraints à l'exil dans les pays impérialistes.

Exiger du superviseur bureaucratique qu'il ne dénie plus son arrogance, fatale pour tous, quant à sa détention de la ligne juste, demande à la fois au militant révolutionnaire d'analyser ce qui, dans son «prophétisme communiste», délivre lui-même sa visée en sectarisme étroit au sein du peuple. 11 02 23 17

mercredi 4 mai 2011, entre 18 H30 et 19 H45 , à la librairie La Machine à lire, 8 place du Parlement 33000 Bordeaux 05 56 48 03 87 Pascal Enard sera questionné par Fabrice LAFORGE qui est philosophe, poète ; et danseur pour la compagnie ligne de désir de Richard Cayre.

Fabrice LAFORGE propose régulièrement des conférences entre poésie et philosophie
Août,2010 cycle concernant la chair selon A.Artaud
Août, 2009 cycle concernant « le devenir animal » dans Mille plateaux de Deleuze .
De 2006 à 2009, cycles poème(s) de la pensée (à la librairie olympique de Bordeaux)

Courriel du16 avril 2011
« Mes recherches concernent le devenir actif, ou comment persévérer dans l'intensité d'exister, en se tenant sur le qui-vive l'évènement. Ces investigations concernent les rapports entre montage et évènement de la pensée. Il s'agit d'interroger, quant au croisement entre poésie et philosophie, ce qu'il en est du lieu, d'où il y a advenue ou surgissement, au sens où, c'est à vif de l'ouvert que s'esquisse l'Ici de la présence.

Le questionnement peut être philosophique, à la source créatrice des concepts, cependant l'exploration est aussi poétique, quand la pensée sensiblement à l'oeuvre devient poème.

Comment en va-t-il de nos affects traversant nos regards, notre être sensible, notre présence ?
Comment à l'ouvert se dégagent les conditions profondes d'où nait la pensée libre ?

((( Un des problèmes, c' est l'usage politique, voire polémique, des affects tristes comme la peur, l'angoisse ou la menace, et la confusion entre la paix liée à la concorde entre esprits libres - et la non-guerre où sourde une terreur silencieuse, quand la puissance de la tyrannie technique opère selon une main invisible et va jusqu'à réglementer le moindre de nos gestes quotidiens, selon un dressage des corps.
Technique du matraquage normatif dont abusent les médias et leur infiltration dans les différents champs de l'activité humaine. _ Inversement, l'enjeu philosophico-poétique est celui d'une résistance, de résister à ces nouvelles formes d'assujettissement. )))

Ces quelques aspects donnent la perspective de mes recherches.
Elles s'inscrivent dans une constellation qui va de B.Spinoza à G. Deleuze, de la phénoménologie à M. Merleau-Ponty et J. Garelli, de W.Benjamin à G. Agemben, de J.Lacan à H. Meschonic, de M. Abenssour à M. Richir, d' A. Badiou à Medhi Belhaj Kacem, » F. Laforge
Publications
- Filles du chaos, variations de poèmes autour de la question du Lieu à vif de l'Ouvert (en préparation)
- Eclair de l'instant, l'exaltante alliance des contraires philosophie-poésie en co-édition Librairie olympique et association Tempo-Philo (nov.2009)
- « Le désir : athé ou raté ? » Revue de psychanalyse La Trame numéro 1, (oct.2009)
- Le rituel et l'informel, écrit avec le vidéaste Olivier Cornu professeur en arts plastiques; document pour la recherche et l'innovation pédagogique de l'université de Poitiers (MEIP) ; Travaux issus de l'enseignement au Lycée expérimental sur l'île d'Oléron (2001 -2004)

Interventions
Octobre 2011 jusqu'à mai 2012 – 2h tous les quinze jours Séminaire : lire l' Ethique de Spinoza, en partenariat avec l'association Tempo-Philo ( Le lieu reste à préciser ) … S'inscrire au 06 30 47 24 92

dimanche 17 avril 2011

RENTABILTE FATIGUE.007

De Pascal ENARD, envoyé le 10 avril 2011 (sur chronique 3 et 4 de D S) :
La reproduction contre la création

Bravo David d'avoir perçu qu'il s'agit, malgré la forme essai, d'une écriture de travailleur manuel, qui a décidé d'imposer aux tournures stylistiques la persistance pratique des gestes que lui ont visuellement transmis plusieurs artisans charentais : le forgeron du village natal de ma mère, qui trempait le métal (après la fusion et la torsion choisies) à proportion de l'effort qu'aurait à subir la pièce, mais aussi le menuisier et ses copeaux de ripe en tortillons, le laboureur qui tenait l'araire monosoc et suivait ses deux ''boeufs'', un carré de sac de jute protégeant leurs yeux des mouches et les contraignant de tourner à la voix. 11 03 28 21

Ayant contribué à écraser les ''prétentions'' salariales des classes dominées dans les métropoles sous le double effet du robot-machine et de la main d'oeuvre des «pays émergents», les «oligarchies» grandes, moyennes et petites-impérialistes ont défini une nouvelle source de profits dans le cycle de la distribution de la marchandise, organisant une sous-jouissance ambigüe.

Si par cas, un travailleur trouve un brevet (ou un concept) imprévu, son invention est vite copiée, un sous-produit en est tiré, qui est imposé sur le marché. L'invention est crevée au profit de la copie, laquelle, par sa nature d'ersatz, n'est pas une valeur redistribuable sur l'ensemble social, mais un quolifichet de côterie.

Le plagiat et sa conséquence sous-productive sur le mode de vie des peuples, annihilant une création vivante pour imposer sur les marchés sa réplique intempérante (réflexe), mithridatise l'addiction pulsionnelle et propage la massification des comportements, malgré la diversion de leur hétéroclicité clinquante. 10 10 26 19

Le resserrement des offres d'emplois, avec les gains de productivité robotiques, a contraint d'extorquer la plus-value dans diverses formes de sous-jouissances ; c'est ce qui explique la fatigue dans le peuple, quand il n'est pas mortellement acculé dans des compressions du poste de travail sous les prétextes alléchants de meilleure prise en compte des «ressources humaines».

L'économie critique, par approximation, notamment, de la science freudienne et de son actualisation lacanienne, ne perçoit pas la part de subjectivation reproductive du libéralisme. Aussi reste-telle au mieux à répéter la critique par Herbert Marcuse de la consommation perverse, sans véritablement comprendre comment la reproduction du système, par «le moindre geste» des «savoirs être», obstrue la création d'une civilisation nouvelle.

Aussi la gauche ''représentative'' tente de faire avaliser une résolution sémiologique des contradictions au sein du peuple antérieure aux développements des pratiques critiques actuelles. Ses lignes politiques, arrêtées à un stade antérieur des connaissances anthropologiques, sont facteurs de stagnations voire de régressions dans les luttes. Bien plus, de lourdes répliques de la quatrième Internationale tentent de canaliser l'accouchement de la cinquième, alors qu'elles sont épistémiquement endettées aux impasses de la révolution russe.

Nombre de gesticulations spectaculaires des «performances artistiques» n'ayant pas effectué la théorie de leur pratique et ne daignant pas se relier explicitement aux mouvements politiques de lutte contre le capitalisme, sous le prétexte, nous venons de le dire, de leurs indéniables archaïsmes, qu'ils décrètent hâtivement impossibles à faire évoluer, échouent à entraîner le peuple de leurs spectateurs dans une contagion, telle qu'Antonin Artaud l'avait génialement définie dans «le théâtre et la peste». 11 03 30 05

La susceptibilité due au ressassement nihiliste, à l'interprétation sommaire du ressentiment, est en effet propice à la désaffection des scènes de recueillement des concentrations élaboratives. La fatigue, à affronter les autres, chargés de surentreprises performantes et constitutionnellement séparés par l'associativité désavouante, s'avère impuissante à éroder le mur de l'argent. 11 01 12 10

Enfin par pure cruauté d'apprenti écrivain (chez des ''maîtres'' sévères) à l'ère d'internet je dédie les lignes suivantes aux victimes «du séisme de Pétra, au soir du 19 mai 363, que toutes les fouilles archéologiques confirment simplement», selon François Villeneuve, professeur d'archéologie de la Méditerranée et du Proche-Orient héllénistiques et romains, à l'Université de Paris 1.

Pascal Enard notes éparses 11 04 06 23

vendredi 1 avril 2011

RENTABILITE FATIGUE.006

LA FATIGUE ET LA TRANSGRESSION
Toujours en la compagnie de Georges BATAILLE, ce chapitre s'intéresse aux process d'accumulation et de désaccumulation. Déclinant les notions de dépense, de potlach, de dilapidation, de cruauté ... Pascal ENARD en vient à s'intéresser même aux notions de profanation et de mal. Illustrant, ce faisant, concrètement par où fuit le lien social :

« La défense collective qui sacrifie tôt ou tard le faible – par où la cohésion s'enfuit – en fait
l'infigurable. » (page 54)

Mais laissons Pascal ENARD développer lui même sa réflexion. D'une part je ne me sens pas capable de la restituer intègrement, d'autre part je ne souhaite pas le paraphraser. Je préfère en effet vous restituer quelques réflexions éparses illustrant son propos.

Tout d'abord j'aimerais vous faire toucher du doigt combien Pascal ENARD est un « artisan » de la littérature, un forgeron du mot. Il contraint la phrase par une syntaxe inhabituelle qui force le lecteur à se plonger dans sa pensée ; il décompose les mots pour en démultiplier leur sens ; enfin il conceptualise des mots qui prennent un sens précis alors que la vulgate en donnait une définition valise. Pascal ENARD force donc le verbe pour lui faire dire exactement ce qu'il souhaite, comme un forgeron contraindrait le métal chauffé à rouge pour lui imposer la forme qu'il souhaite. Je trouve à cet égard la phrase qui suit représentative de l'ensemble de mon propos :

« Bataille est encore un matérialiste différentialiste et non proportionaliste et « dia » lectique,
sensible comme il est à la force spontanée, il prive son lecteur d'un savoir de la force étagée, qui passe par les cas de figure d'un emploi efficace et situé. » (page 38)

Et pourtant quelle légèreté dans le rendu final de ses phrases, se permettant des envolées poétiques
au milieu de considérations bien concrètes et révoltées :

« La collectivité vivante, l'intérêt social ne seront la transcendance sacrée de l'activité particulière
qu'atteignant la nécessaire gratuité des atomes et des étoiles. » (page 41)

Concrète disais-je, et même si ce constat ne suffit pas à Pascal ENARD, tant il est animé par une
volonté de changement social, voyez comment il dénonce la gabegie de certains pouvoirs locaux faisant le jeu des grandes entreprises du BTP :

« Outre le prestige spectaculaire qu'il en tire à court terme, l'élu local préfère immobiliser les
ressources populaires dont il a la charge dans des biens fonciers plutôt qu'en des services sociaux ou des communications esthétiques et civiques. » (page 37)

Enfin, cette phrase lapidaire sur le conflit israëlo-palestinien :

« Entre la culpabilité d'emprunter, d'ouvrir le circuit de l'échange et la placidité d'occuper le territoire du palestinien sans remords, Bataille a-t-il véritablement tracé la contradiction. » (page 43)

Et je me permets de rebondir sur un argument bien connu de l'Etat israélien et de ses « supporters à
tout crin » : n'est il pas vrai que les « arabes » (notez ! Pas les palestiniens) n'avaient rien su faire de cette terre et que depuis qu'Israël existe, cette terre est transformée en une oasis verdoyante et prospère ? Argument historiquement faux, qui même s'il était vrai ne justifierait la spoliation d'une terre. D'ailleurs dans cette région, ne connaît on pas l'histoire édifiante des nabatéens, qui après avoir construient une civilisation urbaine, agricole et prospère ont décidé du jour au lendemain de redevenir nomade en laissant en friche leurs grands travaux? Alors en accumulant « culpabilité d'emprunter » une terre et « placidité d'occuper un territoire », l'état d'Israël dans sa politique actuelle est bien mal engagé.

Mais Pascal ENARD n'est pas que critique, n'est pas désespéré et il laisse entrevoir les moyens du « dé – chaînement » du prolétaire (page 48), de « l'être en communisme » (page 48). Et avant ses chapitres aux titres les plus déprimants ( « Misère cynique de l'aide angélique à la misère » ou « Un découragement général » ; page 52) nous laisse entrevoir les moyens de réalisation de ce qu'il appelle un « conseil polyhumaniste » (page 52).