dimanche 28 septembre 2008

J'embrasse des espaces infinis (2)

C’était une forêt pauvre humide, aux hautes frondaisons couvertes de clématites, des plantes rampantes couvraient le sol et des giessen que je devais passer à gué la parcouraient. Je me dirigeais résolument vers l’ouest. De temps en temps les arbres cédaient la place à de vastes prés parsemés de saules têtards. Le terrain en pente douce s’élevait jusqu’à un fossé d’où s’étendait une terrasse de terres agricoles. A l’horizon la ligne bleue des montagnes se dressait. Passé le Piémont cultivé de vignes les collines se couvrirent de forêts où les aulnes, les frênes, les saules étaient remplacés par des marronniers, des chênes, des érables. Des fougères et des herbes grasses prospéraient par terre tandis que les lierres se hissaient sur les troncs rugueux couverts de mousses. Depuis des terrasses de grès s’étendaient à mes pieds au loin la plaine et proche le flamboiement des couleurs de l’automne. A mesure que je montais les tâches vertes persistantes des sapins apparaissaient. Leurs innombrables aiguilles, qui jonchaient le sol, servaient à l’édification de fourmilières géantes en forme de pain de sucre. Des torrents dévalaient les pentes. Je montais encore et le sol devint granitique, bientôt j’affrontais mon premier pierrier. Passée cette épreuve, j’arrivais à un replat où la forêt se clairsemait. Le sol était devenu humide et spongieux. Ma progression s’en trouva ralentie. Au centre de la clairière un lac noir reposait. Le sommet était proche : de l’autre côté de la tourbière une sente se hissait dans un cirque glaciaire bordée des deux côtés par des falaises de granit. Longtemps j’escaladais les parois abruptes par où passait mon chemin. J’arrivais enfin sur les chaumes primaires. Seuls quelques hêtres couverts de lichens poussaient rachitiques et torturés par les vents contraires qui soufflaient sur ces sommets désolés. A perte de vue s’étendait une mer de nuages d’où, tels des îles, se dressait le sommet des montagnes. Un corbeau survolait ce paysage et m’enjoignait à le rejoindre : véritablement je planais sur ces surfaces éthérées.

Je ne repris pied nulle part et de là je poursuivis mon chemin droit vers le sud et à l’est, traversant des pays insensés.