Il s’était (à nouveau ?) levé comme tous les matins.
Et après une toilette et un petit déjeuner bâclés, il se dirigea vers la gare où l’attendait virtuellement le train qui l’emmènerait sur ses lieux d’études, fatigué de n’avoir pas assez dormi (il avait une fois de plus lu trop tard) et par son hygiène alimentaire exécrable.
Se rendant compte que le TER partirait bientôt (ou prochainement, « dans trois minutes ») il s’effraya, étant pourtant persuadé (ou certain) de l’avoir ; et si toutefois tel n’était pas le cas, n’aurait ce pas été une bonne occasion de s’emparer de l’automobile ?
Il accéléra donc la cadence des coups de pédale, ce qui, lui permettant d’arriver à l’heure, lui faisait également bénéficier d’un petit peu d’exercice.
A l’approche du pont de franchissement de la voie de chemin de fer, ayant en ligne de mire l’échappée d’une grand-mère, il ne put résister à son esprit de compétition ; d’autant plus difficilement que la victoire était facile : c’était tout de même autre chose que les voitures, comme la plupart du temps, faute de mieux.
Arrivé au sommet de la côte, ses craintes semblaient se justifier : le train démarrait.
Dans le bénéfice du doute (il n’avait jamais vu un train partir en avance) il se rendit sur le quai et fut immédiatement rassuré (certes la conduite est agréable et la possession d’une voiture confère une popularité ou un potentiel d’attractivité humaine non négligeable mais le rail a tout de même ses avantages ou ne nécessite aucun effort de concentration).
Durant l’attente il comprit la présence inhabituelle du train qu’il avait cru sien : en fait il n’avait fait que passer, mais les travaux effectués sur l’autre ligne l’avaient contraint à ralentir d’où cette impression qu’il démarrait.
Le décalage de cette situation avait suffit à créer une ambiance surréaliste dans la gare.
Les ouvriers étaient là, assez nombreux, répartis sur le chemin de fer, tout le long de l’intervalle du quai, par petits groupes, par petites grappes, comme jetés là d’un mouvement de bras ample et désinvolte.
Paradoxalement le quai lui même était désert
Dès lors tout lui sembla étrange.
Ces voitures sur le parking auxquelles il n’avait jamais prêté attention, il prenait désormais conscience du fait qu’elles appartenaient à des dizaines de personnes qui, comme un seul corps silencieux, allaient prendre le train, allaient travailler comme poussées inexorablement par une force invisible.
Le bureau, l’atelier commençaient ici, quand ils entraient en ce lieu, où toute individualité était annihilée au profit de la masse. Individus surnuméraires, muets, qui formaient cette masse dormante, grondante.
La gare était devenue un univers concentrationnaire.
Ils ne le subissaient pas, mais au contraire s’y complaisaient car ils portaient le vide en eux (autosatisfaction d’avoir un travail en ces temps de crise), gestation du néant qui accoucherait de la violence déjà perceptible et envoûtante, comme le feu intrigue ou ensorcelle l’enfant.
Cette impression était confirmée par les tâches des ouvriers, qui paraissaient primitives, absurdes : travailler pour travailler.
Particulièrement, l’un d’eux, qui déplaçait un tas de st-Nabor à l’aide d’une fourche, me rappelait Sisyphe.
Ainsi en cette matinée grise mais lumineuse, dans cette gare aux allures de chantier au mauvais décor industriel – l’abattement récent d’une bâtisse désaffectée de la SNCF laissait apparaître la lourde installation de minoterie où le fer et la boue se mélangeaient aux lourds nuages de vapeurs qui venaient engrosser les cohortes de nuages du ciel – au milieu de travailleurs sisyphiens et des spectres d’employés que l’on devinait aux nombreuses voitures parquées, le train entra en gare tel un monstre surpuissant de lourdeurs, précédé par le hurlement d’une corne de brume qui provoqua l’arrêt des travaux et força le passage du convoi.
Les ouvriers s’inclinaient à son passage tels les serfs lorsque passait leur souverain. Seuls quelques vassaux se déplaçaient avec aisance pour accueillir le géant.
Quelques jours plus tard, tout était redevenu normal.
Et après une toilette et un petit déjeuner bâclés, il se dirigea vers la gare où l’attendait virtuellement le train qui l’emmènerait sur ses lieux d’études, fatigué de n’avoir pas assez dormi (il avait une fois de plus lu trop tard) et par son hygiène alimentaire exécrable.
Se rendant compte que le TER partirait bientôt (ou prochainement, « dans trois minutes ») il s’effraya, étant pourtant persuadé (ou certain) de l’avoir ; et si toutefois tel n’était pas le cas, n’aurait ce pas été une bonne occasion de s’emparer de l’automobile ?
Il accéléra donc la cadence des coups de pédale, ce qui, lui permettant d’arriver à l’heure, lui faisait également bénéficier d’un petit peu d’exercice.
A l’approche du pont de franchissement de la voie de chemin de fer, ayant en ligne de mire l’échappée d’une grand-mère, il ne put résister à son esprit de compétition ; d’autant plus difficilement que la victoire était facile : c’était tout de même autre chose que les voitures, comme la plupart du temps, faute de mieux.
Arrivé au sommet de la côte, ses craintes semblaient se justifier : le train démarrait.
Dans le bénéfice du doute (il n’avait jamais vu un train partir en avance) il se rendit sur le quai et fut immédiatement rassuré (certes la conduite est agréable et la possession d’une voiture confère une popularité ou un potentiel d’attractivité humaine non négligeable mais le rail a tout de même ses avantages ou ne nécessite aucun effort de concentration).
Durant l’attente il comprit la présence inhabituelle du train qu’il avait cru sien : en fait il n’avait fait que passer, mais les travaux effectués sur l’autre ligne l’avaient contraint à ralentir d’où cette impression qu’il démarrait.
Le décalage de cette situation avait suffit à créer une ambiance surréaliste dans la gare.
Les ouvriers étaient là, assez nombreux, répartis sur le chemin de fer, tout le long de l’intervalle du quai, par petits groupes, par petites grappes, comme jetés là d’un mouvement de bras ample et désinvolte.
Paradoxalement le quai lui même était désert
Dès lors tout lui sembla étrange.
Ces voitures sur le parking auxquelles il n’avait jamais prêté attention, il prenait désormais conscience du fait qu’elles appartenaient à des dizaines de personnes qui, comme un seul corps silencieux, allaient prendre le train, allaient travailler comme poussées inexorablement par une force invisible.
Le bureau, l’atelier commençaient ici, quand ils entraient en ce lieu, où toute individualité était annihilée au profit de la masse. Individus surnuméraires, muets, qui formaient cette masse dormante, grondante.
La gare était devenue un univers concentrationnaire.
Ils ne le subissaient pas, mais au contraire s’y complaisaient car ils portaient le vide en eux (autosatisfaction d’avoir un travail en ces temps de crise), gestation du néant qui accoucherait de la violence déjà perceptible et envoûtante, comme le feu intrigue ou ensorcelle l’enfant.
Cette impression était confirmée par les tâches des ouvriers, qui paraissaient primitives, absurdes : travailler pour travailler.
Particulièrement, l’un d’eux, qui déplaçait un tas de st-Nabor à l’aide d’une fourche, me rappelait Sisyphe.
Ainsi en cette matinée grise mais lumineuse, dans cette gare aux allures de chantier au mauvais décor industriel – l’abattement récent d’une bâtisse désaffectée de la SNCF laissait apparaître la lourde installation de minoterie où le fer et la boue se mélangeaient aux lourds nuages de vapeurs qui venaient engrosser les cohortes de nuages du ciel – au milieu de travailleurs sisyphiens et des spectres d’employés que l’on devinait aux nombreuses voitures parquées, le train entra en gare tel un monstre surpuissant de lourdeurs, précédé par le hurlement d’une corne de brume qui provoqua l’arrêt des travaux et força le passage du convoi.
Les ouvriers s’inclinaient à son passage tels les serfs lorsque passait leur souverain. Seuls quelques vassaux se déplaçaient avec aisance pour accueillir le géant.
Quelques jours plus tard, tout était redevenu normal.
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